“Une vie non examinée ne vaut pas la peine d'être vécue.”
Socrate
J’ai rien compris à cette phrase pendant longtemps.
À la limite j’examinais les matchs du psg et je vérifiais que mon petit frère n’ait pas eu plus de frites que moi.
Chacun son rythme.
⏭️ Marche avant : j’ai compris.
J’ai compris quand j’ai compris qu’on ne naissait pas libre. Au niveau spirituel en tout cas.
On naît esclave de nos émotions et de nos envies. Plus exactement : de nos réactions face à certaines situations qui déclenchent chez nous certaines émotions et nous font agir d’une certaine manière.
Comprendre d’où viennent nos envies ou pourquoi on a réagi de telle manière, c’est un moyen de se comprendre et de mettre des choses en place pour agir comme une personne dont on serait fier.
(Ou, pour commencer : ne pas agir comme une personne qu’on n’aimerait pas !).
C’est quoi l’envie ? 🤔
Dans le Robert, on peut lire :
“Sentiment de désir mêlé d'irritation, de haine, qu'éprouve quelqu’un contre ceux qui possèdent ce qu'il n'a pas”.
Ça sonne pas hyper sympathique.
J’aimerais compléter cette définition avec Aristote et Thomas d’Acquin :
Pour Aristote, c’est une “peine troublante” face au bonheur d’autrui, ce qui l’oppose à la pitié. C’est quelque chose qu’on ressent envers nos pairs : on ne ressent pas de l’envie envers un pigeon ou une baleine.
Pour Thomas d’Acquin, « l’envie consiste à s’attrister du bien prochain comme s’il diminuait le nôtre et qu’il nous fait du mal ».
Je trouve particulièrement justes les doigts pointés sur les émotions négatives et le système de comparaison.
On touche le cœur du pourquoi de la citation de Socrate.
Pas besoin de se blâmer : c’est normal de ressentir de l’envie. C’est largement dû au fonctionnement de notre striatum (dont on avait parlé ici) : le petit général stressé de notre cerveau en veut toujours plus !
Ne pas confondre envie et désir 🧐
De nos jours, on utilise l’envie et le désir comme des synonymes. Ou plutôt, l’envie a tendance à remplacer le “désir” dans notre utilisation au quotidien.
J’ai envie d’aller en vacances
J’ai envie de toi
J’ai envie d’une nouvelle paire de chaussures
J’ai envie d’aller aux toilettes
J’ai envie de rendre mes proches heureux
Pourtant, le désir est quelque chose de bien différent de l’envie !
Le désir de Spinoza
Pour Baruch Spinoza, le désir est “un appétit avec conscience de lui-même”.
C’est l’essence même de l’Homme, c’est ce qui fait aller de l’avant vers ce qui lui paraît juste et bon (Prends des notes Johnny !).
On est loin de l’envie d’aller aux toilettes ou de s’acheter une nouvelle paire de chaussures !
Apprendre à diriger son désir vers des choses qui sont justes et qui augmentent notre puissance d’agir est une clé majeure pour vivre une vie heureuse, en harmonie avec le monde qui nous entoure.
Désirs mimétiques et choix discutables
Depuis le début du XXe siècle, nous avons de plus en plus de connaissances sur comment fonctionne le cerveau humain.
👻 Spoiler : on est plein de biais et de défauts, dont deux qui m’intéressent particulièrement aujourd’hui :
Notre cerveau est programmé pour opérer dans des conditions de survie compliquées.
Le rôle du striatum explique notre nature peureuse, constamment en recherche de sécurité et d’avantages pour survivre. C’est le top pour survivre dans la jungle mais moins pour survivre aux e-commerces et aux réseaux sociaux.L’origine de nos désirs.
Ils ne proviennent pas du ciel ou d’une illumination divine. Nos désirs, consciemment ou non, sont inspirés d’autres humains ou personnages avec qui nous avons été en contact direct ou indirect. C’est le concept des désirs mimétiques, développé par René Girard.
👵 Ça veut dire qu’on peut influencer ce de quoi ont envie les humains ?
Oui !
👵 Mais attends, c’est incroyable si on veut créer une société harmonieuse, pacifiste et orientée vers l’épanouissement collectif des humains au sein de la nature ?!
Oui… Sauf que ce n’est pas le chemin qu’on a pris pour l’instant.
Les premières personnes à l’avoir compris et utilisé à grande échelle, avaient un autre objectif en tête : FAIRE DE LA MOULA.
(Coucou mamie, “faire de la moula” ça veut dire gagner plein d’argent ! Des bisous 😘)
Un mec comme Charles Kettering, ancien dirigeant de General Motor (mort en 58, ça commence à faire un bail), déclarait :
” La clé de la postérité économique, c’est la création d’une insatisfaction organisée” “La publicité et autres moyens promotionnels (…) ont attelé la production à une puissance motrice quantifiable(…). Il semble que nous pouvons continuer à augmenter l’activité (…). Notre situation est heureuse, notre élan extraordinaire”.
🙋♂️ Notons tout de même deux évolutions majeures par rapport à l’époque dont date cette citation :
L’épanouissement personnel comme nouveau mirage.
On est passé de l’argument : “avec ton nouveau frigo tu seras vraiment le plus bg du quartier” à “Avec cette nouvelle voiture, tu seras vraiment toi-même” :Les moyens utilisés pour faire de la pub.
On est passé d’un écran sédentaire, passif et commun à toute la famille à des écrans qui nous suivent partout, sont “smart”, récupèrent un max de données sur nos comportements pour nous partager des pubs qui exploitent encore mieux nos biais cognitifs.
C’est un combat inégal entre des équipes de cerveaux brillants et moi, qui me demande encore comment trouver quelle est la chaussette droite et quelle est la chaussette gauche. 🥲
Ce qui m’attriste (au-delà de mes chaussettes), c’est que plus on va dans ce sens et plus on s’éloigne d’une société qui pourrait vivre heureuse et en harmonie.
Une société plus libre, vraiment ? 🗽
Ces nouvelles valeurs, promulguées et soutenues par les États et les entreprises les plus influents, remplacent à vitesse grand V les anciennes valeurs qui régissaient nos sociétés.
🙋♂️ J’ai un regard très critique sur la religion et les dérives de ceux qui se cachent derrière des interprétations douteuses des textes sacrées.
Néanmoins, les religions offraient un semblant de chemin spirituel ainsi qu’une certaine indépendance de chaque société ou groupe d’humains dans la pratique qu’il en faisait.
Avec le capitalisme, ce n’est plus le cas.
On impose des valeurs communes à une échelle immense ! Cédons à nos envies “parce qu’on le vaut bien”, ne nous mettons pas de limites, on peut tout avoir pour son bien personnel !
J’avoue que ça m’interroge.
Cette vision repose sur un argument aussi faux que tentant : toutes tes envies sont réalisables.
Bah non. C’est mathématique : mon temps de vie est limité, ainsi que mes ressources et celles de la planète. Mon cerveau lui, est capable de créer des envies à l’infini donc je ne pourrai jamais toutes les assouvir.
Se pose aussi une question morale : serait-il bon pour nous de pouvoir obtenir tout ce dont on a envie ?
Ce n’est pas le sujet du jour mais je serai super curieux d’avoir ton avis sur la question, réponds-moi et on en discute !L’Homme est un animal spirituel.
De nombreuses études tendent à montrer que les humains ayant une vie spirituelle active (pas forcément liée à une religion) sont plus heureux, moins sujets à la dépression et autres crises d’anxiété. Jung en parlait mieux que moi pour ceux qui voudraient creuser le sujet. Sachant ça, c’est con de s’en éloigner et de le substituer par la validation de nos pulsions animales.Cette approche s’appuie sur le fait “d’être libre” :
Mais est-ce que c’est vraiment être libre que de s’acheter des fringues issues de l’exploitation d’autres êtres humains ?
Est-ce être libre d’être un pays riche en vendant des armes à des nations qui les utilisent pour opprimer une population ?
Est-ce être libre que d’avoir construit la grandeur de son pays sur l’exploitation et la destruction d’autres peuples ?
La liberté ne commence pas là où s’arrête celle des autres. Notre liberté commence là où commence celle d’autrui !
C’est un accomplissement collectif dont nous sommes encore très loin.
Un autre chemin 🌻
Être heureux collectivement
Je me suis beaucoup inspiré du travail de Frédéric Lenoir autour du désir pour construire cet article : son travail d’analyse des différents courants de pensée autour du désir est énorme et permet de réussir à s’y repérer pour en tirer les idées principales.
Au-delà de la gestion de nos envies, je pense que la question du désir et ce qu’on en fait est fondamentale pour vivre une vie heureuse.
Je ne vois pas comment un humain pourrait vivre bien en étant constamment baladé de droite à gauche par les sursauts de son striatum face à tous les stimuli auxquels il est exposé.
Si on veut collectivement vivre heureux un jour, nos capacités à comprendre notre fonctionnement, à identifier ce qui est bon pour nous et à nous mettre en action pour tendre dans cette direction sont indispensables.
C’est aussi vrai à l’échelle d’une famille, d’une classe d’élèves que d’une grande entreprise ou l’humanité tout entière !
Le mot de la fin
L’envie s’exprime naturellement chez nous et il n’y a pas à en avoir honte. Pour autant, ce n’est pas le sentiment qu’on a envie de développer et d’entretenir pour le faire grandir !
Il y a un déclic que j’aimerais vous partager à ce sujet.
Lors d’une méditation guidée, j’ai été amené à penser à d’autres personnes et à souhaiter profondément leur bonheur :
D’abord un proche
Puis une personne neutre
Puis quelqu’un avec qui j’avais une relation compliquée
Enfin l’ensemble des humains sur Terre.
Il y avait tout une réflexion autour du fait de ressentir ce qui se passe en moi quand j’imagine les autres heureux.
👻 Spoiler : aucune envie. Plutôt une joie profonde. Un grand sourire et une larme à l’oeil au moment de clôturer cette méditation matinale.
Aujourd’hui, quand je croise des gens qui ont l’air heureux, je suis heureux aussi. Ça me donne comme un shot mais version bonheur plutôt qu’ivresse !
Si quelqu’un est heureux, il ne te pique pas ton bonheur.
Au contraire : il est dans une situation d’apporter du bonheur autour de lui et donc, potentiellement, à toi.
J’imagine qu’il y a plein de chemins pour comprendre ça : la méditation, l’amour, les psychédéliques, une rencontre, l’éducation… Peu importe mais je vous souhaite à tous de le voir 🌻
L’exercice de la pomme 🍎
Celui-là, c’est pour apprendre à passer plus temps avec le toi que tu aimes bien.
Pas évident de contrôler ses pulsions d’envie ou de jalousie ? Tu m’étonnes ! Alors je te propose d’utiliser la PNL pour travailler dessus.
🪜 La PN Quoi ?
La PNL, ce n’est pas qu’un groupe de rap, c’est aussi l’acronyme de la Programmation neuro-linguistique. En 2 mots, selon cette théorie, ton langage reflète tes connexions neuronales et…. 🪄 Tu peux reparamétrer tes connexions neuronales en agissant sur ton langage. Pas mal non ?
3 étapes pour aujourd’hui :
Quand tu sens une vague de sentiment d’envie monter, pose-toi la question : est-ce plutôt la jalousie (”J’ai envie de prendre ce que l’autre a”), de l’envie (”J’ai envie d’avoir la même chose que l’autre”) ou autre chose ?
Essaye de mettre des mots sur ce que tu ressens, sans te juger, et de l’écrire.Une fois que c’est fait, quelle est la petite voix que tu as envie d’écouter pour réagir ? Quelle réaction te rendrait fier ? Pose à l’écrit cette réaction idéale.
Ferme les yeux et répète les paroles de cette petite voix plusieurs fois à haute voix.
Comment te sens-tu ?
⛰️ Sources et inspirations
📹 Vidéo : Big think - 3 ways to defend your mind against media distortions
📹 Vidéo : Diego Tatián - Spinoza y la filosofía de la liberación
📚 Livre : Frédéric Lenoir - Le désir, une philosophie
✍️ Article : Une question simple pour vivre un peu plus heureux chaque jour
✍️ Article : Réseaux sociaux et bonheur : serons-nous plus malins que les scarabées ?