Blanche-Neige sur mon Instagram
Une histoire de désirs mimétiques, de célébrité et David contre Goliath
Dans son livre “Le désir une philosophie - Vivre aux éclats”, Frédérique Lenoir résume comment une personnalité peut influencer le comportement consommateur de celles et ceux qui le suivent :
«Le consommateur doit se persuader que sa décision d’achat est personnelle, qu’il achète un produit adapté à qui il est (…) et cela n’est rendu possible que par le mécanisme du désir mimétique. C’est parce que je vois une personne (le plus souvent une star) à laquelle je m’identifie vanter les qualités de ce produit en affirmant qu’elle est ainsi pleinement elle-même que je vais croire qu’il en sera de même pour moi. Mon désir - mon envie devrais-je mieux dire, tant le désir ici est appauvri - imite celui d’un modèle. »
Ce phénomène repose sur le fonctionnement même de notre cerveau et le concept des désirs mimétiques, élaboré par René Girard.
Sachant ça, la célébrité telle qu’elle fonctionne aujourd’hui dans notre société est une aberration. Tel un fumeur de clopes, on s’abîme petit à petit sans en prendre conscience.
Qui devient célèbre ? 👨🎤
Il existe beaucoup de parcours de vie et de caractéristiques différentes qui peuvent amener quelqu’un à devenir connu.
Tu peux être un jeune garçon, souriant et blagueur. Tu grandis dans la pauvreté, fan de foot et de churrasco (barbecue en portugais). Tu as un objectif en tête : jouer au foot pour mettre ta famille à l’abri.
En quelques mois, tu deviens connu mondialement, tu brasses des millions, tu as accès à tous les luxes que notre société peut offrir ! Conseillé par un entourage aux valeurs douteuses à qui tu accordes toute ta confiance (ton père notamment), tu passes à côté de ta carrière sportive et dégage l’image d’un homme égoïste et aveuglé par la fame : tu es Neymar.Tu es une femme qui vit au Cap Vert, dans la pauvreté. Pendant plus de 45 ans, tu vis chez toi où tu chantes et rêves d’offrir une maison digne de ce nom à ta famille. Il faudra une heureuse rencontre à Lisbonne, avec celui qui deviendra ton producteur et t’accompagnera à la conquête du monde pour devenir une artiste reconnue ! Tu restes proche de tes valeurs (à 47 ans, on est souvent plus ancré qu’à 17) et tu profites de cette reconnaissance pour offrir aux autres et faire le bien autour de toi. Le petit bémol ? L’alcool (et la cigarette), dont tu dis avoir besoin pour avoir le courage de monter sur scène et qui finiront par te rattraper. Bonjour Cesaria Evora.
Dans un autre cadre que les artistes et sportifs, cette réflexion sur la célébrité m’a aussi fait penser à certains politiques, propulsés sur le devant de la scène grâce à certains coups de pouce d’amis influents. Coucou Emmanuel, Donald ou encore Gabriel pour ne citer qu’eux.
En somme, on ne devient pas célèbre parce qu’on s’accomplit en tant qu’humain et qu’on atteint un certain stade d’épanouissement.
C’est con.
Tu peux être à l’opposé de ça et, à travers un talent, un coup de chance et/ou un coup de pouce extérieur, tu te retrouves en mesure d’influencer des milliers voire des millions d’humains, qui tenteront de s’approprier ton mode de vie et tes valeurs.
🙋♂️ Je ne dis pas que tout est mauvais chez chacune de ces personnes mais si on avait le choix : est-ce qu’on se tournerait vers eux pour aider nos proches à avancer dans la vie ?
Dans mes rêves 🦄
💭 Dans mes rêves, on fait évoluer la société pour que l’accès à ce niveau d’influence s’obtienne par la possession de compétences et de valeurs qui soient foncièrement bonnes pour le bien commun des humains et de l’ensemble de la planète.
🙋♂️ Évidemment, on est loin d’y arriver et à nouveau, c’est au niveau individuel qu’on peut avoir un impact.
Dans ce contexte, il y a des questions à se poser et des réponses à trouver à propos de ce à quoi, et à qui, on accorde notre temps.
À quoi et à qui tu donnes ton temps 🤔
On a plus de temps que jamais !
Si on regarde quelques milliers d’années en arrière, 100% de notre temps (presque) était consacré à la survie.
Cette situation a évolué au gré de nos progrès technologiques, scientifiques et philosophiques. L’espérance de vie augmente, on est en meilleure santé et certaines machines travaillent pour nous : pratiques le lave-vaisselle et la machine à laver !
Un chiffre ?
Nous travaillons 11% de notre temps éveillé contre 48% en 1800 !
😍 Autant de temps libre, c’est la promesse qu’on va pouvoir utiliser nos cerveaux pour créer des choses géniales, entretenir des relations sociales fortes et pratiquer des activités physiques régulières pour être en bonne santé !
Et bah non : c’est un peu notre faute mais on n’est vraiment pas les seuls responsables.
Un combat déséquilibré
Striatum vs Réseaux Sociaux is the new David contre Goliath
Notre cerveau a ses failles : il veut “toujours plus”. C’est le rôle du striatum.
Il nous pousse à courir après nos besoins, il a vocation à repérer les dangers, anticiper le manque et à vouloir s’en protéger à outrance, on a peur par nature !
C’est précisément ce biais-là, lié à notre besoin de reconnaissance sociale et notre addiction à la dopamine qui sont exploités consciemment par les entreprises comme Meta (Facebook et Instagram notamment) ou TikTok.
Des équipes entières de scientifiques et d’humains brillants y travaillent à longueur d’année en se demandant comment capter un maximum de notre temps.
Nous devenons accros, littéralement, à ces plateformes. C’est leur objectif.
Pas de chance pour nous, ce sont les contenus clivants et violents qui déclenchent le plus de réactions chez nous et nous font rester sur ces plateformes. Ce donc eux qui sont mis en avant. Plus on passe de temps, plus on est bankable pour ces plateformes, le calcul est simple.
Merci le striatum, t’aurais pas pu être excité par les contenus pédagogiques et des discussions saines ?
Un impact catastrophique
Un temps passé qui explose et dont l’impact sur notre bien-être est catastrophique.
🧑🔬 Une étude menée par médiamétrie en 2021 nous partage que les 15/24ans passent près de 4h/jour sur leurs écrans : un temps principalement consacré aux réseaux sociaux.
🧑🔬 Une autre étude menée par l'association Sapien Labs (28 000 jeunes de 18 à 24 ans, provenant de tous les continents, ont été interrogés sur leur santé mentale) dévoile des chiffres affolants, notamment chez les jeunes et en particulier les femmes, chez qui l’impact est plus élevé que chez les hommes :
Parmi les femmes interrogées, 74% de celles qui ont eu leur smartphone à 6ans avaient des "scores mental" qui indiquaient "en détresse ou en difficulté".
Ce chiffre atteint les 61% pour celles qui l’ont obtenu à 10 ans et 52% pour celles qui l’ont eu à 15ans.
Je vois deux éléments à garder en tête
👉 On passe donc de plus en plus de temps “en ligne” : nous perdons le contact humain et toutes ses complexités qui nous permettent de développer des atouts comme l’empathie, la patience, le pardon, la générosité ou la capacité de faire des compromis.
(Des atouts qui sont vachement pratiques pour résoudre des problèmes complexes comme éviter de se faire la guerre ou lutter efficacement contre le dérèglement climatique).
👉 80% du contenu sur les réseaux est partagé par à peine 10% des utilisateurs. Si j’y passe la majeure partie de mon temps, j’y perçois une norme sociale complètement biaisée !
(Ce facteur explique en partie pourquoi l’impact des réseaux sociaux est aussi fort chez les jeunes : les plus âgés ont, eux, eu le temps de découvrir la vie en vrai, avant d’être envahis par les selfies, les filtres et leur dose de j’aime quotidienne).
🤔 Dans ce contexte : comment peut-on imaginer que le petit Jimmy, 12 ans, qui passe sa vie à voir des vidéos de stars et d’influenceurs, peut-il se sentir bien d’avoir interro de math à 8h30 et de s’être fait larguer par Zoé ?
C’est biologique : il va se sentir nul, malheureux et pathétique.
Super base pour devenir un humain épanoui ça.
Deux pistes pour récupérer ton temps libre ⛷️
Rendre ce temps intéressant
Y’a pas que Jimmy qui peut être impacté à ce point. Moi aussi, toi aussi et tous les humains puisqu’on partage le même cerveau.
Début 2023, j’ai fait un énorme ménage sur mon Instagram.
Exit les clubs et joueurs de foot, les dizaines de page de memes et quelques connaissances pour lesquelles je ne voyais pas l’intérêt d’utiliser mon temps.
Bonjour à des pages et personnalités dont je serais heureux de récupérer certaines valeurs et ambitions : Clément Sénéchal, Thimotée Parrique, Camille Etienne ou encore Claire Nouvian. Ça ne m’empêche pas d’avoir gardé des comptes plus légers comme Trashtalk (média de basket) ou Grosso Modo (des vidéos de balades aux commentaires drôles et décalés, allez jeter un œil !!).
Après un peu plus d’un an, je me remercie x1000 d’avoir pris ce temps !
Je vois bien que je perds moins de temps à enchaîner les contenus sans fonds. Au contraire, j’y trouve du contenu qui vient nourrir mes réflexions de vie, ouvrir de nouveaux sujets d’intérêt et des sources de motivations pour agir.
Diminuer le temps passé sur les réseaux
Je me rends bien compte qu’il est difficile de couper sa consommation de réseaux sociaux du jour au lendemain. Une grande partie de notre vie sociale y est liée : messagerie, évènements, actualités.
Heureusement, il existe d’autres moyens d’enrichir sa pensée ou de se divertir, moins addictifs et nocifs :
Les newsletters
Les livres
Les films et les séries
Les jeux de société
Participer à des évènements dans la vie réelle
Etc
Il est possible de retrouver un ami grâce à un coup de téléphone ou un message sans passer par une appli qui va attirer notre attention sur le dernier tweet de Donald Trump, les vacances de ton pote Louis ou la nouvelle pub Kinder Bueno !
J’essaye de limiter mon temps sur les réseaux sociaux de différentes manières :
J’ai supprimé toutes les notifications (hors whatsapp et sms).
J’ai supprimé l’appli Facebook de mon téléphone
J’ai installé l’application onesec sur mon téléphone, pour gérer Instagram :
Quand je clique sur l’app, elle me force à prendre un moment de respiration avant de décider si je veux réellement (ou non) ouvrir l’appli. Elle montre aussi combien de fois j’ai essayé de l’ouvrir et combien de fois je l’ai ouverte.
Ça m’aide vachement et je suis assez fier de voir quand mes chiffres baissent !
C’est clairement un travail encore en cours, je suis loin d’avoir la solution universelle mais qu’est-ce que ça vaut le coup !
Sentir que tu reprends le contrôle et éviter ces pièges qui te tirent vers le bas : c’est ce que je te souhaite en cette fin de semaine ☀️
L’exercice de la pomme 🍎
Celui-là, il est pour réaliser ce qui t’inspire (et t’éloigner de ce qui est juste là par habitude).
4 étapes pour agir comme quelqu’un qu’on admire :
Qui sont les 3 célébrités vivantes avec lesquelles tu aimerais rencontrer autour d’un café ?
Pour chacune, écris UNE raison pour laquelle elles t’inspirent.
Choisis celle de ces raisons qui te paraît la plus enrichissante. Comment peux-tu l’incarner au moins une fois dans ton quotidien d’ici les 2 prochaines semaines ?
Définis une action concrète que tu peux noter dans ton agenda pour t’assurer de ne pas passer à côté !
⛰️ Sources et inspirations
📹 Vidéo : Cesária Évora, la diva aux pieds nus
📹 Vidéo : Neymar, le chaos parfait (+ je suis supporter de Paris)
📹 Vidéo : Big Thin - 3 ways to defend your mind against social media distortions
📹 Vidéo : La Fabrique Sociale - Comment internet nous a transformés en scarabées
📹 Vidéo : La Fabrique Sociale - Les Facebook files, une jeunesse en détresse partie 1 - La démocratie en péril ? Partie 2
📚 Livre : Gérald Bronner - Apocalypse cognitive
📚 Livre : Frédérique Lenoir - Le désir, une philosophie
Satané striatum ! Bel article :)